L’espace d’une vie

Je m’appelle V, j’ai vingt ans. Je suis née à Malestroit, vers minuit,le 1er Juillet 1998. Je ne me souviens pas très bien de mon enfance, de ma vie avant ce soir de décembre perturbant.

Le 5 décembre 2018, il faisait froid. Lorsque j’arrivai à ma porte, je vis une lettre. Elle venait d’un inconnu qui se faisait appeler « BlackHood ». Dans l’enveloppe, il y avait une photo de moi et de ma famille.Mais le plus intriguant était son contenu : « V, je connais tout de toi, ta famille est avec moi. Si tu veux la revoir un jour, tu dois faire tout ce que je te dis. ». Il n’y avait pas plus d’explications. Ma famille avait disparu quand j’avais huit ans, alors bien sûr, je n’allais pas croire cette personne.

Seulement, dix jours après, je reçus une autre lettre. Elle me dictait d’aller à Berlin où je trouverais des informations pour la suite, et si je n’y allais pas, ma famille serait exécutée. Je ne sais pas ce qui me prit, mais je fis ma valise. Une heure plus tard j’étais dans l’avion. Je pris une chambre et j’allai visiter Berlin de nuit. C’était magnifique avec les couleurs de Noël. Les personnes autour de moi étaient joyeuses et sous le charme de la magie. Je sentis que quelqu’un ou quelque chose me suivait. Lorsque je me retournai, je vis une lettre à mes pieds : « Prochaine étape Tokyo ».

Dans l’avion, une image me revint à l’esprit. Je ne me souvenais pourtant pas de ce moment. C’était il y a 12 ans pour Noël, j’étais accompagnée de toute ma famille. Nous étions tous joyeux, émerveillés par les lumières éblouissantes. Cette image me sembla tellement réelle. Peut-être mes souvenirs remontaient-ils à la surface ? Je n’en avais aucun de Noël, celui-là ne serait pas de trop.

A Tokyo, malheureusement, les choses ne se passèrent pas comme prévu. Quand j’arrivai, je reçus un mot dans ma chambre d’hôtel. « Quand tu auras un souvenir de ton passé, douloureux ou joyeux, une personne de ce souvenir pourra perdre la vie ou perdre des années de vie. Maintenant un souvenir t’apparaîtra tous les jours à une heure précise, comme si tu avais une horloge en toi, qui à la fin, finira par exploser. ». Quand je lus la fin de la phrase, je n’y crus pas, j’eus un pressentiment. Comme si je savais que quelque chose était en moi depuis longtemps mais cela m’effrayait. Tokyo fut plus complexe que Berlin : étrangement, les habitants semblaient angoissés, fermaient la porte aux étrangers et les commerçants se montraient, eux aussi, timides. C’est au fond d’une ruelle sombre et humide que je trouvai un morceau de papier. Il y était inscrit : « V, jusqu’à maintenant tu n’as pas abandonné, de peur de tout perdre. Maintenant, il te faut rejoindre Sydney, où tu pourras avoir des réponses à tes nombreuses questions. ».

Je ne compris toujours pas ce qui se passait mais je continuai. A mon arrivée, j’appris que des centaines de personnes avaient péri dans un terrible incendie. Je me demandais si ces deux drames étaient une coïncidence ou non. Un vieux souvenir qui remonte et qui menace de mort mes proches et après cet incendie ? Je ne perdis pas pour autant mon envie de poursuivre ma petite aventure décidée au dernier moment.

Un nouveau souvenir apparut, mais cette fois nettement plus douloureux que l’autre. C’était le soir du 26 décembre 2006, l’enlèvement de ma famille. Il faisait froid, je devais sans doute dormir, quand quelqu’un était entré dans la maison par surprise. Lorsque j’étais descendue le matin, j’avais trouvé ma soeur égorgée, son sang était encore chaud. Comme j’étais épouvantée par ce massacre, j’étais partie me réfugier au poste de police, et on m’avait ensuite conduite à l’hôpital.J’y étais restée deux ans. Puis un jour les médecins avaient décidé de me laisser m’en aller. J’étais calme et impassible, comme si rien ne s’était passé. Ma mémoire avait-elle été effacée par les médecins ? Voulaient-ils cacher quelque chose en moi ?

A Sydney, une personne qui me semblait bien étrange tant sa gentillesse était trop poussée, m’accueillit chez elle pour la nuit. Le matin je trouvai la maison sens dessus-dessous et les propriétaires s’étaient volatilisés. Je vis une lettre : « Si tu veux abandonner, je comprendrai mais ta famille mourra. Si tu veux continuer, sache que tu touches le bout. Direction là où tout a commencé… »

Je restai plusieurs minutes avant de réagir. Qui était le Black Hood et que voulait-il au juste de moi ? Où était le commencement ? Lecommencement pouvait être beaucoup de choses. Le commencement du monde, de la vie ? Le lieu où mes parents s’étaient rencontrés, ou bien était-ce l’endroit où j’étais née ? Là où je les avais tous perdus, où j’étais demeurée seule ?

Je fis plusieurs voyages avant de trouver le commencement. Comme j’étais prévenue, je sus que quand je mettais un pied sur un nouveau territoire, des catastrophes, sûrement en rapport avec mes nouveaux souvenirs de jeunesse, se produisaient, mais je continuai, poussée par une force inconnue.

Je retournai dans la petite ville de Bretagne où j’étais née, Malestroit. Les lieux n’avaient pas beaucoup changé en douze ans, seulement, quelques petites améliorations avaient vu le jour. Une piscine était en construction mais semblait faire des caprices, les écoles s’étaient modernisées et agrandies. Mais je trouvai intact l’un de mes repères d’enfant : la statue d’une vieille grand-mère qui tenait son plateau à l’entrée d’un restaurant. Je ne retrouvai malheureusement pas la maison de mon enfance. Je pense qu’elle avait été détruite, et cela me mit un petit coup de cafard.

Quand le jour se leva, je fouillai la ville de fond-en-comble. J’allai dans la petite clinique où j’avais vu le jour. J’entrai et demandai si la clinique avait mon acte de naissance ou un document prouvant ma naissance ici, et par conséquent le nom de mes parents. La réponse fut non. Je partis donc vers la mairie pour avoir plus d’informations.

Un sentiment plutôt mauvais m’envahit et me fit trembler de tout mon corps. Qui pouvait déjà avoir succombé à cause de moi ? Qu’est ce- que j’allais trouver dans cet imposant bâtiment ? Une vérité qui me forcerait à chercher encore plus loin ? Je ne trouvai malheureusement rien.

Grâce à des souvenirs, je pus découvrir que mon vrai nom était Van et non V. Je n’étais pas de Malestroit comme je le croyais. Personne n’a de documents sur moi. Je sus que les médecins n’en n’étaient pas et qu’ils s’étaient servis de moi comme cobaye pour une expérience. Je ne sus pas exactement en quoi elle consistait, mais les médecins devaient me faire oublier des souvenirs trop douloureux, traumatisants. Ils m’avaient ensuite opérée, mais je ne m’en souvenais plus.

Après, restait à savoir quel mystère se cachait en moi. En effet je suis suivie par des infirmiers et je passe des radios tous les ans pour ma santé, jamais une chose anormale n’est ressortie durant douze ans. Si l’expérience marche, je le saurai très bientôt mais les dégâts seront incalculables pour la Terre. Si elle ne marche pas, je suppose que je mourrai ou alors rien ne se passera. Mais au fond, tout ce que je sais, c’est que je continuerai à chercher ma famille, quels que soient le prix et les conséquences.

EPILOGUE :

C’était il y a douze ans, mais pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais huit ans et une famille aimante. Seulement j’étais très malade. Cette maladie me rongeait le cerveau petit-à-petit. Personne ne savait de quoi je souffrais, mais j’allais y succomber rapidement. Le soir du 26 Décembre 2002, je me suis levée, inconsciente.

Je m’appelle Van. Lorsque j’avais huit ans, j’ai assassiné ma famille toute entière. Les médecins n’avaient pas voulu me faire du mal, ils essayaient juste de me soigner et de me laver la mémoire pour me faire oublier le massacre que j’avais commis. L’expérience a échoué, car je me souviens, malgré l’aide du « Black Hood », dont je ne connais toujours pas ni le but, ni l’identité. Mais maintenant, je sais que je suis guérie et que ma famille est morte par ma faute.